La perte de l'audition augmente considérablement avec l'âge. Elle concerne 40% des 60-70 ans et plus de 50% des plus de 80 ans. Selon les prévisions démographiques réalisées par l'Insée, le nombre de personnes âgées de 60 ans et plus pourrait augmenter de 80 % d'ici à 2060. Selon le scénario central, le nombre de personnes de 60 ans et plus augmenterait, à lui seul, de 10,4 millions entre 2007 et 2060. En 2060, 23,6 millions de personnes seraient ainsi âgées de 60 ans ou plus, soit une hausse de 80 % en 53 ans. L’augmentation est la plus forte pour les plus âgés : le nombre de personnes de 75 ans ou plus passerait de 5,2 millions en 2007 à 11,9 millions en 2060 ; celui des 85 ans et plus de 1,3 à 5,4 millions. Ce scénarion fait de l'audition un enjeu crucial de santé publique. Mais il s'agit aussi d'un enjeu à saisir individuellement pour bien se porter le plus longtemps possible. Pourquoi ?
Mieux gérer la perte de l'audition est gage de lutte contre le risque de chute chez les seniors du grand âge
L'usure naturelle de l'appareil auditif peut non seulement affecter les cellules sensorielles de l'oreille mais aussi la partie vesibulaire intervenant sur l'équilibre. Ce phénomène est appelé Presbyvestibulie). Des études réalisées par des équipes médicales, montrent que même à un degré modéré de baisse de l'audition, le risque de chute triple. (Lin F, Ferucci L "Hearing loss and falls among older adults in the United States" Arch Intern Med 2012). Selon le professeur Puisieux, chef du Pôle Gérontologie au Chu de Lille, "les chutes seraient à l'origine de 9 000 décès par an, 3 fois plus que les accidents sur la voie publique". La chute fragilise la personne âgée pysiquement et psychologiquement l'amenant à se retirer du monde extérieur par crainte de rechuter. Un retrait qui est amplifié par la surdité non gérée qui provoque une coupure avec le monde.
Mieux gérer la perte de l'audition est un outil de lutte contre l'isolement et les effets associés
L'isolement social est le risque majeur à éviter chez toute personne souffrant d'une déficience auditive mais également chez le sujet âgé. La perte auditive est la première cause de retrait social. Le Pr Lin a démontré ce phénomène en 2011/2012. Son étude réalisée auprès de 8093 patients montrent que 30% des individus avec déficience auditive non corrigée souffrent de dépression contre 20% lorsque la correction auditive est mise en place. Plus impressionnant encore, un écart de 22 points concernant les symptômes de paranoïa (36 vs 14) et un meilleure activité sociale chez les personnes équipées d'aides auditives.
Mieux gérer la perte de l'audition est un moyen pour ralentir le déclin cognitif et la maladie d'Alzheimer
De même, corriger la perte auditive aurait des effets bénéfiques sur la stimulation cognitive et contribuerait à repousser les signes de déclin cognitif. C'est l'unité de recherche de l'Inserm "Eidémiologie et neuropsychologie du vieillissement cérébral" à Bordeaux qui a mis en exergue ces liens ténus entre perte de l'audition non corrigée et déclin cognitif. L'étude a porté sur une population de 3 777 personnes âgées de plus de 65 ans tirées au sort sur les listes électorales. Cette cohorte est suivie depuis 1988. Chaque personne a effectué un bilan initial, puis, tous les deux ou trois ans, elle a réalisé un bilan neuropsychologique servant à détecter la démence et une évaluation fonctionnelle approfondie. Grâce à ce suivi, l'étude montre que les troubles auditifs entraînent un isolement social, un repli sur soi, bien davantage que les troubles de la vue qui sont plus facilement compensables. Or la stimulation cérébrale liée à la vie sociale est considérée comme le plus grand activateur neuronal. Le cerveau a de grandes facultés à optimiser les stimulations. L'isolement produit un effet inverse et agit donc comme facteur aggravant des maladies de la mémoire.
Une politique proactive de compensation de la perte auditive est donc incontournable. Le reste à charge zéro devrait permettre de faciliter l'accès aux aides auditives. Tout comme le changement culturel en cours reposant sur la volonté d'être en forme et de profiter de la vie, de ne plus être ou devenir des seniors retraités en "retrait". Comme l'a précisé Madame la Ministre des Solidarités et de la Santé sur les ondes d'Europe 1 ce mercredi 2 octobre 2018, c'est aussi à chacun de prendre soin de son capital santé et de l'entretenir le mieux possible.