Avec le confinement certains sont confrontés au silence, d'autres le cherchent. Faut-il craindre le silence ? Faut-il le fuir tant il a trouvé une place dans nos vies ? Faut-il être dans une relation schizophrénique bruit-silence ? Le silence peut permettre d'entendre la réponse.
Le silence est vécu avec angoisse et revêt très souvent une vision négative : la minute de silence n’est pas associée à l’âme mais à la mort.
Alain Corbin, historien, écrit dans son ouvrage "Histoire du Silence d - De la Renaissance à nos jours" édition Champs que le silence est un trésor, une richesse.
Le silence est craint dès l'enfance alors que l'on pourrait penser que la pédagogie repose sur le silence. Mais le silence représente l’ennui que l’on cherche à fuir. Les enfants se réfugient, aider de leurs parents dans le bruit. Ils ne goûtent plus au trésor et aux rêveries du silence. Françoise Dolto évoquait que de l’ennui naissait la créativité. Le bruit est une douleur et le silence est une réparation et on évolue entre les deux. Au XXIè siècle, l’intensité du bruit est moindre mais son omniprésence représente un emprisonnement presque permanent. « On ne peut pas y échapper » indique Jean-Michel de Delacomptée, auteur de « Petit éloge des amoureux du silence », édition Galimard. L’omniprésence est envahissante, perturbante. Les espaces sont meublés de bruits comme la musique amplifiée présente plus ou moins partout dans les espaces collectifs. Il écrit « Le bruit de fond agît comme un banc de vapeur pour retenir l’attention de la clientèle et la rendre malléable à l’appât de l’achat ». La nouvelle sphère du son est stridence.
Pour Milan Kundera, in « L’ignorance », écrit « La radio fût le petit ruisseau par qui tout commença vinrent ensuite des moyens techniques et le ruisseau devînt un immense fleuve. Si jadis on écoutait la musique par amour de la musique aujourd’hui elle hurle partout et toujours sans se demander si on a envie de l’écouter. Elle hurle dans les haut-parleurs, dans les voitures, dans les salles d’attente, dans les restaurants, dans les salles de gym, dans les ascenseurs, dans les oreilles bouchées des walkmans. Musique réécrite, raccourcie, réinstrumentée, écartelée, des fragments de rock, de pop, d’opéra, flow où tout s’entremêle sans qu’on sache qui est le compositeur. La musique devenue bruit est anonyme sans qu’on distingue le début et la fin. La musique devenue bruit ne connaît pas de forme. L’eau sale de la musique ou la musique se meurt. »
Alain Corbin nous rappelle que toute parole émerge du silence, que toute écriture émerge du silence. Le silence est un trésor.
Le bruit est une douleur idéologique et physiologique.
Le bruit est désormais symbole du vivant. Le silence s’attache à l’âme, le bruit s’adresse au corps. La médecine du travail s’intéresse aux effets du bruit sur le corps. L’âme a disparu de l’horizon. Le bruit est souffrance exprimée par les intéressés dans les différentes enquêtes réalisées par l’association JNA.
L’oreille souffre de cette omniprésence, usant ses cellules sensorielles, mettant en difficulté le décodage instantané des informations sonores reçues. Le bruit créé alors une charge cognitive voire une surcharge cognitive qui aux côtés du risque de survenue d’acouphènes ou de surdités provoque aussi des pertes de concentration, de la fatigue…empêche une production de pensées amenant l’être humain en état d’abrutissement.
Le silence est un indispensable nécessaire, un trésor pour aller à la rencontre de soi en tant qu’acteur « JE » de sa vie, de sa construction avec soi comme un être libre de penser, un être pensant. Le silence est également un trésor de vitalité afin d’apporter une respiration à l’oreille et lui permettre de jouer ses meilleurs rôles pour contribuer à l’équilibre de santé : l’alerte – la communication – les émotions.
Les silences dans la musique étaient faits de cela : une respiration pour mieux apprécier l’ensemble des nuances. C’est juste une affaire de curseur et de dose. Silence VS Bruit est une illusion.
Profitons pour redécouvrir ces essentiels. Bonne expérimentation.
Pour aller plus loin :
http://www.journee-audition.org
https://www.franceculture.fr/emissions/repliques/le-prix-du-silence