Pour Zoé Besmond de Senneville « C'est arrivé petit à petit et d'un coup, en même temps. Les acouphènes arrivent. Au début, on vit avec sans avoir pris conscience qu'ils étaient installés là, dans le creux de ma tête, dans le creux de mes sens. Ils ont pris la place de sons. Les oreilles ont mal à répétition. Je ne comprends pas et ne veux pas comprendre. Je ferme les yeux, me soigne comme je peux pour ne plus avoir mal, en privilégiant l'approche la plus douce pour mon corps ». Rencontre de Zoé Besmond de Senneville qui livre son chemin. Un cheminement inspirant.
JNA : Votre Journal de mes oreilles s’apparente à un journal intime, qu’est-ce qui a motivé sa parution ?
Zoé Besmond de Senneville : La perte auditive due à l’otospongiose s’est imposée à moi sans crier garde. C’est alors une dysharmonie entre mon corps et mon mental qui s’est installée, au plus intime. L’otospongiose transforme mon être et ma vie personnelle et professionnelle. Je ne suis plus la même comédienne qu’avant. Lors de la brutale survenue d’Oto, je n’ai pas trouvé de récits pouvant m’aider. Je me suis retrouvée face au silence liée à l’absence de témoignages mais aussi à celui de n’évoquer ma perte auditive sans craindre le regard négatif. Alors j’ai senti le besoin de mettre des mots sur les maux qui m’envahissaient. J’ai commencé par enregistrer des morceaux de récits sur Soundcloud. Et ces enregistrements ont résonné. Le confinement m’a permis de me centrer sur moi et de rassembler l’ensemble dans « Le Journal de mes oreilles » sorti la veille de la Journée Nationale de l’Audition.
JNA : Au fil des pages, c’est une vraie mue émotionnelle que nous vivons avec vous, où en êtes-vous aujourd’hui ?
Zoé Besmond de Senneville : avec l’otospongiose, une grande colère est arrivée. Cette dysharmonie en moi a provoqué une grande rage : ne pas comprendre ce qui m’arrivait ; le sentiment de ne pas être entendue dans ma douleur et d’être mal accompagnée. Une mue intérieure se produit en vous, malgré vous ; déstabilisant tous vos repères. Comment être comédienne avec une perte auditive ? Dois-je le dire ? On me conseillait alors de taire l’existence de ma surdité, de me taire. Renforçant ce grand cri intérieur. Dans cette rage, j’ai perdu mes aides auditives ; symbole de mon refus. Aujourd’hui, je porte de nouvelles aides auditives qui me sont plus confortables et je suis à une autre étape. Il faut lever le tabou de l’audition, source de souffrances.
JNA : « Le Journal de mes oreilles » c’est aussi un message inspirant
Zoé Besmond de Senneville : L’otospongiose est venue me percuter dans mes sens. Là où ils sont importants en tant que comédienne et modèle vivant. Je découvre un nouvel espace sensoriel intérieur. Un mode de communication se développe plus intensément. S’il m’arrive de ne plus entendre le ronron de mon chat, je le sens par vibration. C’est un nouveau rapport au monde. Orienter sa rage dans la lutte contre la perte auditive est vain. Pour ma part, j’expérimente ce que la surdité m’amène à découvrir, différemment, autrement, vivante.
Retrouvez l’intégralité de l’interview vidéo de Zoé Besmond de Senneville https://NotAllowedScriptyoutu.be/NmePB1AIfu0